On attend avec impatience ce que les députés chargés de la rédaction du nouveau règlement intérieur du Palais du Bardo vont décider en matière de couverture par les médias — toutes spécialités confondues — des activités du nouveau Parlement.
Les associations et organisations spécialisées dans le suivi de l’action parlementaire attendent, elles aussi, pour voir si elles vont poursuivre leurs activités de contrôle rapproché ou serré au maximum de tout ce que les députés font ou défont
Les Tunisiens n’ont pas attendu longtemps pour être édifiés le plus clairement du monde sur l’identité des parties qui ont décidé que la première journée ou plus précisément la séance inaugurale du nouveau Parlement issu des législatives anticipées tenues le 17 décembre 2022 et le 29 janvier 2023 soit couverte uniquement ou exclusivement par les journalistes de la TV nationale et de l’agence Tunis-Afrique Presse (TAP) et d’en exclure les journalistes relevant des autres médias, c’est-à-dire les TV et les radios privées et les correspondants étrangers (tous pratiquement tunisiens) exerçant pour le compte de journaux, de radios et de TV étrangères, arabes ou occidentales.
Finalement, Fatma M’seddi, nouvelle députée élue en tant qu’indépendante mais réputée être proche, voire très proche pour certaines parties, de la dynamique du 25 juillet 2021, a tout révélé sur l’affaire considérée et décriée par le Syndicat national des journalistes tunisiens (Snjt), les partis de l’opposition et aussi ceux représentés au sein du nouveau Parlement, et par les associations et organisations de la société civile spécialisées dans le suivi de l’action parlementaire, Al Bawsala, en premier lieu, comme un scandale, un précédent facheux dans l’histoire du Parlement.
Fatma M’seddi a, en effet, révélé, lors de deux passages médiatiques, le premier sur les ondes de radio Diwan FM et le second sur la chaîne Attassia TV, qu’un groupe de députés fraîchement élus ont tenu une réunion de travail qu’elle qualifie de préparatoire avec à l’ordre du jour la possibilité de demander aux autorités politiques d’interdire aux journalistes des médias privés d’assister à la séance inaugurale du nouveau Parlement dans l’objectif, souligne-t-elle, «d’éviter que se produisent des dérives ou des dépassements de la part de ces mêmes journalistes, que les travaux de la séance inaugurale ne soient perturbés et qu’une mauvaise image ne soit répercutée à l’étranger à propos du nouveau Parlement dont les membres s’engagent unanimement à rompre définitivement avec les anciennes pratiques des parlements 2014-2019 et 2019-2021 (jusqu’au 25 juillet 2021, date du gel des activités de l’ARP présidée à l’époque par Rached Ghannouchi, président d’Ennahdha)».
Et Fatma M’seddi de reconnaître que la séance de travail préparatoire n’a aucune assise légitime ou légale du fait que les députés ayant participé à la réunion en question n’ont aucune qualité pour parler au nom de leurs collègues, pour décider quoi que ce soit en leur nom ou même pour demander à qui ce soit de prendre des décisions en leur nom.
Toutefois, elle tient à préciser que leur initiative, qui a trouvé une oreille attentive auprès des hautes autorités, n’a rien d’étonnant, de scandaleux ou d’inacceptable puisqu’elle participe de leur volonté de préserver l’image du parlement et de «préserver aussi l’image de la presse nationale» qui a été noyautée par une horde d’intrus et de prétendus journalistes n’ayant aucun rapport avec la profession et les professionnels dont la présence sur les tribunes du Parlement ainsi que les comportements honteux qu’ils adoptent ternissent l’image de la presse nationale».
Invitée avec insistance lors de ses deux apparitions médiatiques sur Diwan fm et sur Attassiaa TV à s’excuser auprès des journalistes, les véritables chevaliers de la plume, c’est-à-dire les détenteurs de la carte professionnelle et non ceux connus pour être des blogueurs ou ceux qu’on appelle «les journalistes citoyens», la nouvelle députée demeure convaincue que son initiative participera à moraliser le secteur, à préserver l’image du parlement et enfin à introduire ce qu’elle appelle «la culture de l’organisation au sein du palais du Bardo».
D’ailleurs, beaucoup parmi les observateurs et les analystes qui suivent de près ce qui se passe au sein du parlement ou, pour être plus clair, ce qui se passait au palais du Bardo avant que les portes du parlement ne soient fermées sont d’avis que les choses doivent changer du côté de la tribune et du centre de presse consacrés aux journalistes. Sauf qu’ils n’hésitent pas aussi à faire remarquer que les dérapages intervenus lundi dernier, lors de la séance inaugurale, peuvent se reproduire au cas où un groupe de députés trouveraient une oreille consentante auprès de leurs collègues en proposant, à titre d’exemple, de réduire ou de contrôler ce qu’Al Bawsala est en train d’effectuer au parlement depuis la révolution et l’époque de l’Assemblée nationale constituante (ANC) en matière de suivi quotidien de l’action parlementaire pour ce qui est de la présence effective des députés lors des séances plénières ou lors des réunions des commissions parlementaires, du nombre réel des votants, etc.
Même s’il faut attendre que le règlement intérieur du nouveau parlement soit examiné puis adopté par les députés, persistent, malheureusement, de réelles craintes de voir ces derniers opter pour l’annulation de plusieurs mécanismes adoptés par les parlements précédents, comme par exemple ouvrir le palais du Bardo quotidiennement aux représentants d’Al Bawsala pour qu’ils accomplissent leur mission d’observation proche ou rapprochée de tout ce qui s’y passe ou aussi réserver un espace aux journalistes en leur procurant des ordinateurs pour la rédaction de leurs papiers sur place.
On attend que les 31 membres chargés de rédiger le futur règlement intérieur, dont la plupart sont néophytes, décident de la façon dont le nouveau parlement sera régi durant les cinq prochaines années.